Jéru…
Jérusalem. Cette ville m’a tellement étonnée, au premier abord, que je me suis décidé à y consacrer deux fois plus de temps que prévu. Et deux fois plus d’articles. Je voudrais d’abord me consacrer à la ville en elle-même, avant de revenir sur ses habitants.
Avant tout, il vous faut entrer en Israël, et par la frontière terrestre, c’est déjà une épreuve en soit. Plusieurs heures d’attente sont à anticiper aux rares points de passage depuis la Jordanie, seule frontière “ouverte”, avec l’Egypte. Des gamins de 20 ans, bob, chemise hawaïenne, lunettes de soleil et Famas en bandoulière vous dirigent vers des douaniers pas plus âgés, qui, tout sourire, vont vérifier vos intentions, et votre parcours. Si celui-ci vous a vu transiter par un pays ennemi, et ils ne manquent pas, vous ne couperez pas à la séance d’interrogatoire, deux dans mon cas. Et si vous passez votre test avec succès, vous n’êtes pas pour autant tiré d’affaire : il vous faut maintenant obtenir un visa sur une feuille volante. Car si les israéliens ont la bonté d’âme de vous laisser entrer chez eux après avoir séjourné en Syrie, ou en Iran, il n’y a nul principe de réciprocité. Vous pouvez donc demander à ce que votre passeport ne soit pas tamponné, mais cette requête est aléatoire : le douanier israélien sait très bien pourquoi vous la lui adressez… Dès lors, vous jouez le reste du voyage à pile ou face, car on vous confisque votre précieux passeport pour aller le tamponner en arrière boutique. J’ai été chanceux. Le couple d’autrichiens voyageant avec moi, moins : un visa sur le passeport, un autre sur feuille volante. Humour juif ? : si vous voyagez en groupe, l’un des visas sera systématiquement tamponné, les autres non [légende urbaine].
Passé ce calvaire*, vous voici à Jérusalem.
Les hôtels cheap se trouvant dans la vieille ville, vous avez dès la porte de Damas franchie, un aperçu de la mosaïque que vous foulerez du pied. Les hautes murailles de la vieille ville concentrent dans un périmètre ridiculement petit (allez, 20 / 25 minutes à pattes dans sa plus grande longueur) tout ce que le Moyen Orient compte de croyances religieuses.
Le quartier arménien est le plus petit. Et vous n’y verrez pratiquement que de hauts murs et des portes closes, à l’exception des jours de prières, où les rites ancestraux et exotiques se dévoilent aux badauds les plus curieux. L’Histoire à appris aux arméniens à se montrer discrets. Premier peuple à adopter le christianisme comme religion d’Etat, ces caucasiens ont payé au pris fort l’opprobre de leurs voisins et maîtres successifs. Reconnaissons leur une admirable abnégation… et un manque certain de sagacité.
Le quartier chrétien rassemble autour du Saint Sépulcre catholiques, orthodoxes, protestants, coptes, église syrienne, et une bonne demie douzaine d’autres sectes moins connues. Le calme qui l’habite symbolise assez bien les cultes qui y sont représentés : dans l’ensemble, assez chiants.
Ceux-ci ont poussé le vice jusqu’à aller installer leurs lieux de prière dans le quartier musulman, le long de la Via Dolorosa, présumé chemin de croix du Christ. Mais les musulmans possèdent le plus gros quartier de la ville, ils peuvent bien partager un peu. C’est le cœur battant de l’ancienne Jérusalem : un amoncellement d’échoppes dans un entrelacs de ruelles. On y sent toute la vie de la cité tandis que la population se déverse dans ses artères, que les marchands vous hèlent, les gamins vous bousculent en riant sous l’œil de juifs orthodoxes tout en barbes et coiffes traditionnelles, des touristes en goguette s’arrachant aux étals parfumés de fruits mûrs que prennent d’assaut des familles de locaux cherchant à rompre le jeûne de la meilleure des manières, tandis que des jeunes s’apostrophent bruyamment et font détaler une chatte famélique et sa portée… Un tableau vibrant où se côtoie l’arabe, l’anglais et l’hébreux, des scènes de quotidien où la joie et la tension s’invitent tour à tour, à l’image de ces soldats à peine entré dans l’âge adulte, souriants, prévenants, omniprésents, et gagnant, les armes à la main, le respect qu’on leur déniera hors de portée de leurs regards. Alors on se perd dans ce dédale de passages parsemées d’ordures, et surplombées par l’imposante Esplanade des Mosquées. Là-haut, sur le site des deux anciens Temples juifs, le rutilant Dôme du Rocher cache aux yeux de ceux qui ne suivent les préceptes du Prophète le Caillou Sacré, témoin malgré lui des aventures successives de Moïse, Abraham et Mahomet. Symbole d’une coexistence fragile.
Car juste au pied de l’Esplanade, un autre monstre sacré attire à lui les foules. Le Mur Ouest, ou Mur des Lamentations, n’était qu’un mur de soutènement aplanissant la terrasse destiné à accueillir le Second Temple, même pas solidaire de ce dernier, une partie des fondations, en somme. Il est tout ce qu’il en reste. Habité de la présence divine, c’est la relique la plus importante des enfants de David. Durant longtemps, une simple venelle permettait de s’y faufiler et de s’y recueillir, mais une vaste place a été dégagée en son nom, en 77, lors de la prise de cette partie de la ville. Elle est surplombée du quartier juif, qui s’élève sur les contreforts du Mont Zion, et que l’on gagne, une fois franchi là encore, les détecteurs de métaux, par des escaliers serpentant autour de bâtiments étrangement neufs. Neufs, parce que le quartier a été rasé en 48, lorsque le pays s’enflamma, et que la poignée d’habitants des lieux s’est vue soutenir un siège de plusieurs mois, tenu par leurs voisins et amis arabes, et par les forces jordaniennes. Ils en furent chassé pendant 29 ans. Si les bâtisses sont neuves, elles sont le fruit d’un travail admirable, qui ne jurent guère avec le reste de la vielle ville. Là encore on peut se balader longuement, les lieux étonnant surtout pour leur stupéfiante verticalité : on monte, on descend, on recroise un escalier ascendant qu’un nouveau chemin coupe à l’inverse, on est sur les toits, on est au niveau du Cardo romain, à “-3”, on débouche sur un point de vue, on échoue dans un cul-de-sac… Cette partie de la cité, très propre, est aussi presque la seule à héberger des musées, principalement sur l’histoire de Jérusalem. Plutôt orientés politiquement, mais pas inintéressant. Nul doute que les Arabes en auraient fait autant s’ils en avaient le droit… Mais bon, le drapeau palestinien himself est proscrit des murs.
Il y a tant à ad mirer dans la vieille ville qu’on en oublierait l’extérieur. Mais si le Mont des Oliviers, le Mont Zion, ou la Cité de David proposent épisodiquement de jolies choses, l’intérêt demeure moindre. Les nostalgiques d’Occident trouveront leur bonheur dans Jérusalem Ouest, très semblable à nos villes européennes. Jérusalem Est, l’ancienne partition arabe, ne mérite pas vraiment le détour, même si j’ai trouvé les gens dans cette partie là de la nouvelle ville plus chaleureux que dans son alter-égo, même en plain ramadan.
Merde, au commencement, jamais je n’aurais pensé gratter un pavé aussi long. Désolé !!! Je vous reviens très prochainement, et plus brièvement, sur la faune locale …
* (ah ah !)
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