Le nord-ouest syrien
Bon comme nombre d’entre vous ne saurait même pas pointer la Syrie sur une carte du monde, pour rappel, le nord-ouest, c’est la région côtière qui s’étend entre le Liban et la Turquie. Une région vallonnée et verte, et de ce fait, riche, de culture et d’Histoire.
Le premier point de passage obligé, c’est la ville légendaire d’Alep. Celle-ci se dispute avec Damas et quelques autres bourgades mésopotamiennes le titre de Plus Vieille Ville Continuellement Habitée du Monde, débat stérile s’il en est mais qui se veut la preuve de l’importance patrimoniale du lieu. Et il est vrai que parcourir le vieux souk est un plaisir, car sitôt sorti des grandes artères touristiques, on retrouve le dédale de khans et de ruelle abritant ces jolis hammams, medrasas et mosquées bien connu des amateurs du monde arabe. La Mosquée des Omeyyades en est le bijou, d’une incroyable finesse. Une sorte de mini-Damas, de fait ? …Ce serait oublier le clou du spectacle : la Citadelle. Celle de la capitale syrienne est petite et sans relief. Ici, elle en impose. Dominant la vieille ville de toute sa blancheur, resplendissante sous l’intense lumière solaire, ses épais murs d’albâtre accueillaient en réalité un véritable village, composé d’habitations, bains, citernes, mosquées, amphithéâtre et palais…
Je ne m’éterniserais pas sur les sites alentours pourtant réputés, puisque pressé par le temps, je n’ai pas pu aller voir l’antédiluvien temple d’Ebla, le train XIXème à destination de Lattakia, les ruines romaines d’Apamea, le château de Salah ad-Din, ou la Basilique de Saint Siméon. Sur cette dernière et pour la petite histoire, elle doit son nom à un olibrius local du VIème siècle bien décidé à hermiter en solitaire. Peine perdu, son caractère pieux en fit l’objet de pèlerinages, ce qui le décida à s’isoler au sommet d’un colonne de 3m. Puis 5. 10. A la fin de son existence, sa renommée attirait de telles masses béates que pour s’en éloigner le brave Siméon s’était perché à 18m du plancher des vaches (des moutons, en l’occurrence). Il reste apparemment les premiers fûts de cette ultime colonne…
Direction le sud. La paisible ville d’Hama offre une tranquillité inégalable dans le secteur – entendez, pour une ville arabe –. L’Oronte la parcoure, une large rivière profondément encaissée dans le plateau rocheux ; pour s’approvisionner en eau, et dès le Vème siècle, les habitants bâtirent des norias, d’immenses roues à aubes, qui déversaient leur précieux liquide dans des aqueducs. Celles qui grincent actuellement le long des berges fleuries remontent aux alentours de l’an 1450. Ce sont les seules véritables reliques d’une ville encore décrite comme miraculée des invasions, incendies et tremblements de terre au milieu du siècle dernier. Le tournant tragique eu lieu en 1982, quand les Muslims Brotherhood égyptiens, étudiants islamistes radicaux, décidèrent de faire sécession avec la Syrie. Brillante idée, c’était mal connaître le père Hafez El Assad. L’armée encercla la ville, interdisant aux habitants d’en sortir. Puis entrèrent. En quelques jours, ils remirent 10 000 à 25 000 personnes à leur place, c’est à dire six pieds sous terre, pour leur apprendre à s’révolter comme disait l’autre.
Depuis Hama, on a le rayonnement facile. Les Cités Mortes sont juste incontournables. Villages campagnards romains, ce sont les derniers témoins de véritables lieux d’habitations de l’époque. Loin des temples somptueux, les bâtisses frappent tout de même par leur taille et leur beauté, à Serjilla, joliment restaurée, comme à Al-Bara, sauvage et battue par les vents, où les blocs de pierres émoussés émergent des fondrières et des talus. Pour s’y rendre, on traverse le bled d’Al-Maraat, qui a lui aussi connu sa page d’histoire joyeuse et festive, lorsque les chevaliers croisés affamés prirent la ville, et sans ménagement en mangèrent les occupants, méchouis de petits vieux et brochettes d’enfants.
Non loin se dresse la forteresse de la succursale locale des Haschischins, secte dont le modus operandi inspira le mot “assassin” de notre Petit Larousse, et impliqués dans quelques coups fumeux (ah ah) dans la région. Elle fait front à une autre place forte inviolée d’un ordre qui ne fut pas moins célèbre : le Krak des Chevaliers. Solidement arc-bouté sur son promontoire, l’héritage le plus imposant des Hospitaliers est pour sûr le parangon des nombreux sites de la région. Ses murailles massives, ses souterrains obscurs, ses étages étrangement agencés et ses tours trapues se vident des foules fuyantes de touristes en goguettes alors que le soleil se couche à l’horizon. Vous laissant au sommet du donjon frappé par un Eole déchaîné. Seul témoin du spectacle des bergers rentrant prestement leurs troupeaux. Des ombres envahissant promptement la passe d’Homs. Des derniers rayons de l’astre s’accrochant aux créneaux. Du point du jour embrasant finalement les crêtes du Jebel Ansariyya…
La lumière s’est éteinte sur le nord-ouest syrien. Faîtes de beaux rêves.
from → Trip
Trackbacks and Pingbacks